En quoi planter des petits fruitiers dans les rues de Saint-Josse, est-il une action politique ?

À la Sainte Catherine, – le 25 novembre- tout bois prend racines. Ce dicton marche aussi pour les grandes villes où le bitume domine.


Puisqu’il y n’y a que des petits jardins dans nos quartiers, planter dans les espaces publics, là où il y a justement de la place pour recevoir un petit fruitier, est une alternative intéressante pour amener un peu de l’état de « nature » dans nos villes. Et donc, la section locale d’ECOLO-GROEN a décidé de planter des mûriers, des framboisiers, des groseilliers … dans les rues de Saint-Josse.

Dans le documentaire Demain, des dames constatent que beaucoup d’espaces sont «perdus». Elles décident de planter des légumes et des plantes aromatiques pour rendre à la terre, sa fonction nourricière. Les autorités locales convaincues du bienfait pour l’environnement, pour la qualité de l’air et le bien vivre, mais aussi pour les finances communales – il ne faut plus tondre chaque mois les pelouses, ni les arroser-, prennent le relais. Désormais dans les parterres, à coté de fleurs ornementales, fleurissent et grandissent des tomates, des choux et ce que vous voulez. Tout le monde se mobilise : les habitants, les commerçants, les écoles, etc. Ce geste, planter des salades dans un parterre public, au départ insignifiant parce que posé individuellement, devient quand chacun et chacune s’y met, un puissant moyen d’action pour lutter contre le changement climatique et pour donner, dans ce cas-ci, l’accès à tous et toutes à une alimentation saine et naturelle, sans pesticide et sans additif.

Au-delà de la « rentabilité immédiate », consommer des fruits et des légumes produits dans le parterre d’en face, c’est aussi, une conception de l’espace publique et de son usage qui est transformée. Désormais dans cette petite ville, il y a la possibilité sans être propriétaire de mètres carrés d’avoir accès à la terre et à sa production. C’est une reconquête de l’espace public pour le bien commun.

Et à Saint-Josse ? Depuis longtemps, les rues sont arborées. À défaut d’avoir beaucoup de parcs et étant limité en espace vu son peu d’étendue -un kilomètre carré- la commune adopte le principe de« verduriser » les rues quand c’est possible. Au quotidien, ces arbres souffrent et sont peu respectés, quand les voitures s’y collent ou les sacs poubelles s’agglutinent à leur pied. Il y a donc un espace « libre » qu’il serait intéressant d’occuper pour freiner cette propension à prendre nos minis espaces verts, comme déchetterie ou comme annexe de parking. Dans le cadre des contrats de quartiers, certains habitants se sont mis mobiliser pour semer, planter et fleurir leur rue et ont créé des petits ilots de verdure, où se cachent petits monstres voire des nains, etc. mais souvent les fleurs sont arrachées et les espaces vandalisés. Malheureusement, les édiles communaux ne font guère d’efforts pour sensibiliser leurs concitoyens à la protection de cette nature urbanisée. Tout se passe comme si chaque geste « irrespectueux » était normal.

Est-ce pour autant que tout est noir ? Certains parterres sont bien entretenus car la commune a passé un contrat avec une association d’économie sociale. D’autres sont laissés à l’abandon, par négligence ou tout simplement parce qu’ils ne sont pas sur la bonne liste des espaces à entretenir: les arbres n’ont pas encore acquis cette dignité et certains espaces « verts » dans les quartiers semblent bien abandonnés.

Planter un arbuste, c’est donc occuper un petit morceau de terre qui est rare et cher, surtout à Saint-
Josse. C’est augmenter aussi la qualité de l’environnement et remplacer les dépôts sauvages, par un
coin de nature « un peu sauvage ».

Planter devient donc de manière indirecte, faire une œuvre d’éducation et de respect : « ce sont des arbustes que nous avons planté au pied des grands arbres. Soignez-les et cet été vous serez récompensé, par les fruits qu’ils vous donneront ».

L’effet de surprise pour les enfants fait partie du projet : faire découvrir que ces arbustes vont porter des fruits rouges (groseilles), noirs (mures) ou violets(cassis). C’est sympa. Observer les branches se charger de feuilles, de fleurs et ensuite de fruits, peut être utile au cours de botanique ou tout
simplement pour comprendre que ces petits délices achetés dans des barquettes en plastic au supermarché, sont un don de la terre et de dame soleil et peuvent se cultiver « gratuitement » dans leurs quartiers. Former de nouveaux consommateurs et consommatrices dès la maternelle, est un
geste politique et pédagogique.

Verduriser les rues et les quartiers rend l’espace publique agréable à fréquenter, à regarder 1 . Chaque habitant est un peu responsable : les plantations donnent des couleurs et avec les saisons, certains arbustes exhalent des senteurs quand un chèvrefeuille s’épanouit dans toute sa splendeur. Les petits insectes, les papillons y puisent leur nourriture et les abeilles viennent butiner, améliorant ainsi la biodiversité et ramenant de ce fait aussi les oiseaux, et leurs gazouillis printaniers, dans un milieu
pourtant hostile. Bref, planter un arbrisseau, c’est à la fois plus de nature et plus de plaisir des yeux et des oreilles. Ce n’est donc pas un geste innocent. Seule, une volonté politique rend ce changement possible, en accordant par exemple son soutien aux initiatives citoyennes, quand les « gens » décident de bouger ou en assurant un relais organisationnel.

Partir un dimanche matin, avec du compost, des bèches, un racloir, un arrosoir et des plants de petits fruitiers, repérer les espaces à reconquérir, nettoyer, planter, arroser, et surtout surveiller tout au long de l’année cette plantation pour qu’elle ne soit pas éphémère, en parler avec les habitants, est
donc une micro action accessible à tout un chacun, mais qui pose les bonnes questions sur le devenir et le vivre ensemble : dans quel monde souhaitons nous vivre ? Que pouvons-nous apporter pour améliorer notre environnement ? Comment poser des gestes qui intègrent la biodiversité dans une commune hyper urbanisée et densément peuplée et dont la population n’est pas des plus fortunée, voilà des gestes durables qui s’inscrivent dans le sens du projet politique des verts.

Marie-Thérèse Coenen

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